Collongues - main |
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La seizième édition de Paris-Brest-Paris
a battu au moins deux records : celui du plus grand nombre de
participants, mais aussi celui moins glorieux du taux d'échec
le plus élevé de son histoire, soit 30,08%
[(abandons+hors-délais)/partants]. Le constat est
clair : beaucoup ont eu du mal à venir à bout d'un
Paris-Brest qui, bien que son exact opposé, n'était
pas pire que celui de 1991, par exemple. On se rappelle la canicule
plombant les cyclos tard dans la nuit et le souhait illusoire
d'un petit crachin breton. On se souvient du vent d'est pendant
les 600 bornes du retour, et de la facture qui se solda par 20,18%
d'échecs. "Au risque de déplaire"
(c'était le titre), Roger Baumann écrivit alors
un article prémonitoire pour dire que ç'aurait
été bien pire si la météo avait été
celle de 1956. Il paraît qu'elle le fut cette année. A mon sens le taux record de cette année est la conjonction de deux phénomènes, que chacun peut vérifier (voir l'annexe ci-dessous) et que je résumerai de deux formules brutales : - la fragilité
des "vieux bonzes", atteints par la limite d'âge
et rendus trop proches de la rupture dans l'adversité, Les vieux bonzes ont commencé à cycler dans la période qui a suivi le creux de vague des années cinquante, alors que le deux roues motorisé taillait des croupières à la bicyclette. Ils ont aujourd'hui un demi siècle de pratique et ont longtemps repoussé les assauts du temps. Ce faisant ils ont démontré à beaucoup qui n'y croyaient pas que l'on pouvait accompagner des jeunots sans être une charge, bien au-delà de l'âge de la retraite. Sincèrement bravo, ils ont amplement mérité respect et admiration. Mais cette prouesse a des limites physiologiques. Ce n'est pas le mauvais temps - ils ont tous connu bien pire dans les multiples randonnées qu'ils se sont offertes - mais tout simplement l'âge qui les a arrêtés. Peut-être qu'une météo plus clémente leur eût permis de mener à bien la quadriennale, mais elle fut un révélateur que les limites du raisonnable étaient à peu près atteintes. Leur taux d'échec, à 70 ans et plus, est de 74,14% et entre 60 et 69 ans, il est encore de 41,80%. C'est énorme pour une population de baroudeurs habitués aux longues distances, ayant souvent quatre, cinq ou six Paris-Brest dans leur sac de guidon, voire encore plus. Alors cette génération qui a donné des taux d'abandon très bas pendant des décennies (10% en 1979 et 1983 notamment) - celle qui m'a appris à pédaler - va tirer sa révérence, mais il sera bien difficile de la remplacer, tant les pratiques, qui aident entre autres à préparer un Paris-Brest, ont changé depuis leurs débuts. Venons-en aux jeunes dans la force de l'âge. Je dirai que la relève a majoritairement déserté Paris-Brest : 147 partants de moins de 30 ans, soit 2,8% des partants, alors qu'en 1966, par exemple, les moins de 30 ans étaient 29,6%, soit dix fois plus. Sur ce vieillissement, la pyramide comparée des âges des partants, à un demi-siècle d'intervalle, est très significative. De plus les présents ont été un ton en dessous de ce qu'il est logique d'attendre d'eux : 23,13% d'échecs chez les moins de trente ans et 22,57% chez les 30-39 ans, c'est 4 points de plus que le taux d'abandon moyen de 19%, tous âges confondus, de toutes les éditions. Alors en quoi le changement des pratiques explique-t-il ce constat ? En dehors des brevets qualificatifs restés heureusement immuables, les randonnées qui sont proposées aujourd'hui sont de plus en plus courtes, de moins en moins difficiles à effectuer. Par exemple il n'y a plus de randonnées de 500 bornes. On fait un Versailles-Chambord ou un Paris-Sancerre, mais qui revient en vélo ? Pratiquement personne et la voiture ou le car assure le retour. Il y a trente ans on se lançait dans un Paris-Tours-Paris ou un Paris-Nevers-Paris ; il ne serait venu à l'idée de personne de rentrer autrement qu'en vélo. Quand on quittait Luchon à 3h00 du matin pour la RCP, c'était le soir même qu'il fallait être à Pau ; non le lendemain comme aujourd'hui, où les Brevets Cyclo Montagnards se font majoritairement sur deux jours. Qui aujourd'hui s'essaie à faire une Flèche de France, en se fixant l'objectif d'une médaille d'or ou d'argent ? Le Tour de France Randonneur lui-même est victime de cette pratique douce, qui voit les participants de la formule sur deux mois de plus en plus nombreux, tandis que diminue chaque année le nombre des randonneurs qui le bouclent en moins d'un mois. Et l'on pourrait continuer longtemps, tant les exemples abondent Ne serait-ce pas à la FFCT d'inciter davantage ses membres à mieux préparer Paris-Brest ? Pourtant elle est y très présente avec Jean-Pierre Guillot et Jean-Michel Richefort qui ne ménagent pas leurs efforts pour encourager et aider les participants. Elle l'est encore davantage avec un Président exceptionnel qui aligne un nombre incroyable de PBP Randonneurs et Audax, mais c'est insuffisant pour pousser la base inexpérimentée tout au long de l'année. En bannissant tout ce qui ressemble à une compétition (même contre soi-même), en prônant les sorties familiales, les cyclo-découvertes et les petits parcours de la Semaine Fédérale, en oubliant de mettre en valeur les randonnées de longue distance, la FFCT porte une part de responsabilité. Je sais, il y a Paris-Pékin mais c'est un événement ponctuel. Chaque mois la revue Cyclotourisme ouvre ses colonnes à des activités autrement plus sages. Elles sont hélas conformes aux modes de vie actuels qui veulent des loisirs mais sans contrainte, du sport mais sans perte de temps et des muscles mais sans efforts. Est-ce un effet de l'âge, mais je ne trouve pas ce nouveau visage "politiquement correct" du cyclotourisme bien séduisant ! J'ajouterai que les novices motivés auront les pires difficultés à se procurer un vélo bien adapté à une randonnée comme Paris-Brest-Paris et qu'ils ignorent souvent qu'ainsi équipés, ils pourraient cycler plusieurs jours par n'importe quel temps, en totale autonomie sans mobiliser une escorte d'accompagnateurs. On comprend mieux alors que la relève ait tant de mal à occuper les places que les bonzes leur laissent et leur laisseront inéluctablement.
Alors la météo là-dedans : un détail, pas plus ! Le vrai problème est ce décalage de plus en plus flagrant entre une randonnée historique, voire préhistorique, et une pratique du cyclisme qui ne connaît plus que des cyclosportives bouclées à grande vitesse sur des distances courtes ou un cyclotourisme de promenade ne dépassant plus cent bornes dans la journée. C'est peut-être le coup de blues qui suit chaque Paris-Brest, ne m'en veuillez pas trop |
Edition | Année | Dates | Engagés | Partants | Homologués | Taux d'échec |
1 | 1931 | 2/9 au 6/9 | 64 | 60 | 44 | 26,67% |
2 | 1948 | 1/9 au 5/9 | 202 | 189 | 152 | 19,58% |
3 | 1951 | 5/9 au 9/9 | 488 | 458 | 379 | 17,25% |
4 | 1956 | 5/9 au 9/9 | 250 | 220 | 155 | 29,55% |
5 | 1961 | 6/9 au 10/9 | 191 | 179 | 127 | 29,05% |
6 | 1966 | 7/9 au 11/9 | 187 | 172 | 137 | 20,35% |
7 | 1971 | 6/9 au 10/9 | 367 | 325 | 272 | 16,31% |
8 | 1975 | 8/8 au 12/9 | 729 | 667 | 559 | 16,19% |
9 | 1979 | 3/9 au 6/9 | 1880 | 1766 | 1574 | 10,87% |
10 | 1983 | 29/8 au 1/9 | 2220 | 2106 | 1895 | 10,02% |
11 | 1987 | 24/8 au 27/8 | 2675 | 2587 | 2119 | 18,09% |
12 | 1991 | 26/8 au 30/8 | 3388 | 3275 | 2614 | 20,18% |
13 | 1995 | 21/8 au 25/8 | 2976 | 2860 | 2376 | 16,92% |
14 | 1999 | 23/8 au 27/8 | 3689 | 3573 | 2977 | 16,68% |
15 | 2003 | 18/8 au 22/8 | 4185 | 4069 | 3458 | 15,02% |
16 | 2007 | 20/8 au 24/8 | 5312 | 5160 | 3608 | 30,08% |
Total: |
28803 | 27666 | 22446 | 18,87% |
Age : 1966/2007 | 18 - 29 | 30 - 39 | 40 - 49 | 50 - 59 | 60 - 69 | 70 et + | Total |
PBP 1966 : partants | 51 | 74 | 23 | 23 | 7 | 1 | 179 |
1966 en % | 28,49% | 41,34% | 12,85% | 12,85% | 3,91% | 0,56% | 100,00% |
PBP 2007 : partants | 147 | 669 | 1785 | 1812 | 689 | 58 | 5160 |
2007 en % | 2,85% | 12,97% | 34,59% | 35,12% | 13,35% | 1,12% | 100,00% |
PBP 2007 : Age | 18 - 29 | 30 - 39 | 40 - 49 | 50 - 59 | 60 - 69 | 70 et + | Total |
Inscrits | 152 | 688 | 1837 | 1857 | 718 | 60 | 5312 |
Partants | 147 | 669 | 1785 | 1812 | 689 | 58 | 5160 |
Homologués | 113 | 518 | 1326 | 1235 | 401 | 15 | 3608 |
Taux d'échec: |
23,13% | 22,57% | 25,71% | 31,84% | 41,80% | 74,14% | 30,08% |
Alain COLLONGUES |